La police française joue au chat et à la souris avec les candidats à l’immigration clandestine dans l’espoir de se rendre en Grande-Bretagne

Il est tôt le matin, mais ce coin de Calais est toujours aussi animé.

Au début, vous ne remarquez pas beaucoup de monde. Bien sûr, vous voyez les feux bleus clignotants, les fourgons de police qui tournent en rond et les camions articulés qui entrent et sortent. Mais dans l’ombre et dans le noir, il y a des centaines de personnes qui rôdent, attendant toutes d’essayer de faire un tour en Grande-Bretagne.

Vous les voyez comme des éclairs d’action. Un camion ralentit alors qu’il tourne autour d’un rond-point et soudain un homme court à côté de lui. Il tend les mains mais n’arrive pas à se relever. Le camion accélère à nouveau ; l’homme ralentit et s’éloigne.

Et donc ça arrive encore et encore. Les jeunes s’accroupissent dans l’ombre puis courent dehors pour tenter de monter dans un véhicule. La plupart du temps, ils échouent et s’éclipsent. Parfois ils avancent, mais ils sont repérés par les chauffeurs, qui s’arrêtent fâchés.

Mais de temps en temps, ils réussissent. Nous avons vu une personne, avec un mélange d’audace, d’agilité et d’athlétisme, courir à côté d’un camion, sauter haut puis se tirer dans l’espace entre la cabine et la remorque.

C’est extrêmement dangereux. Tout récemment, un adolescent a été tué après être tombé sous les roues d’un camion, le dernier d’une série de victimes. Mais pour les personnes qui affluent dans cette région, le risque vaut la récompense potentielle. Tous ces gens essaient de se rendre en Grande-Bretagne.

Traverser la Manche sur un bateau implique de payer un passeur, ce qui peut coûter des milliers de livres, ainsi que la possibilité importante que le bateau soit surchargé, coule, tombe en panne ou ne se présente tout simplement pas.

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La tentative d’arrimage sur un camion, en revanche, est gratuite et la mise à disposition de moyens de transport adéquats est plus prévisible. Les parkings poids lourds de Calais regorgent de véhicules qui traversent chaque jour la Manche. Le défi consiste à embarquer d’abord puis à échapper à la détection.

Ni l’un ni l’autre n’est facile, c’est pourquoi les gens passent souvent des mois et des mois à essayer de se rendre en Grande-Bretagne de cette façon. Et c’est pourquoi, par cette nuit froide et noire, la police joue au chat et à la souris avec tous ces migrants.

Lorsqu’un fourgon de police arrive à un endroit, les hommes vont ailleurs et attendent que le fourgon se déplace. Dès qu’il l’a quitté, les hommes reviennent. C’est un modèle que vous voyez encore et encore.

Même lorsqu’ils sont pris à l’arrière de camions, les pouvoirs de la police pour détenir des immigrants illégaux potentiels sont limités. Très rarement, même les camionneurs les plus endeuillés veulent porter plainte. En règle générale, les conducteurs veulent juste continuer leur voyage.

Ainsi, camionneurs, migrants et policiers se retrouvent dans une chorégraphie nocturne élaborée. Une bataille d’ingéniosité et d’expérience.

Ceux qui chassent les camions sont alimentés par l’espoir, l’ambition et le désespoir. Mais pour de nombreux flics, c’est un travail difficile. Ils parlent rarement aux journalistes, mais à cette occasion nous engageons des conversations avec un groupe d’officiers d’une unité des CRS, la force française spécialisée dans le contrôle des foules et le désordre public.

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« C’est comme ça tous les jours », raconte Henri (pseudonyme), qui vient à Calais depuis de nombreuses années. « Tous les jours, tous les jours. J’ai tout vu. En fait, j’ai tout vu deux fois. »

Nous sommes au bord de la route, près d’un trou dans une barrière de sécurité. Il attrape doucement mon épaule et pointe la silhouette d’un homme au loin. « Regardez là. Il est là. Il attend que nous partions. Et dès que nous le ferons, il reviendra ici.

« Il n’y a aucune raison pour que l’une de ces personnes soit ici autre que d’essayer de monter dans un camion. C’est la seule chose qu’elles veulent faire. »

Je lui demande s’il change et il hoche la tête. « Oui, ça empire depuis quatre ou cinq mois. »

Ce qui complique son travail, c’est qu’aucune de ces personnes ne veut même être dans son pays. « Ils veulent aller en Grande-Bretagne, devenir légaux et puis je pense que beaucoup de ces gens veulent aller en Amérique », me dit-il. « Je leur parle. Je leur dis aussi ‘qu’est-ce qui ne va pas avec la France?’ Ils disent qu’ils pensent qu’ils ne sont pas les bienvenus ici. Ils veulent tous aller en Grande-Bretagne – en Angleterre – et en Amérique. »

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Nous passons du temps avec Henri et son équipe. Ils visitent un parc à camions et découvrent qu’une clôture a été abattue, même si elle est surmontée de barbelés féroces. L’unité recherche toutes les personnes qui sont entrées, mais ne voit personne. Soit ils se sont échappés, soit ils se cachent à l’intérieur d’un véhicule.

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Plus loin sur la route, une autre clôture apparemment solide a été éventrée. Henri estime que la réparation coûterait deux ou trois mille euros « et rouvrira dans quelques jours ».

Ils tirent des gaz lacrymogènes pour disperser un groupe d’hommes qui se rassemblent le long d’une route, attendant de sauter dans un véhicule. Plus tard dans la soirée, un autre groupe jette des branches sur une autoroute pour essayer de ralentir suffisamment les camions pour leur donner une chance de monter à bord. Trois fourgons de police se précipitent sur les lieux ; le chat réagissant aux souris.

Il ne s’agit pas toujours d’efforts sportifs, bien sûr. De nombreux camions ont souffert de serrures cassées ou de côtés déchirés – les marques d’un visiteur indésirable dans une remorque. Les conducteurs vérifient soigneusement leurs véhicules, sachant qu’ils risquent une amende pouvant aller jusqu’à 2 000 £ pour toute personne qu’ils pourraient amener par inadvertance en Grande-Bretagne.

Et même si une personne parvient à éviter d’être repérée par le conducteur, un passager clandestin pourrait très bien se faire prendre par la sécurité au port. Franchement, il faut être très chanceux pour s’en tirer, mais certaines personnes le font.

C’est ce qui inspire ceux qui sont laissés pour compte ; ceux qui font la queue au rond-point pour courir jusqu’au prochain camion qui passe. « Je ne pense pas que ça finira jamais », dit Henri, alors qu’il s’apprête à quitter le quart de travail. Il sera de retour demain soir, prêt à affronter les mêmes personnes, au même endroit, à faire la même chose.

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