La tanoura égyptienne donne une touche kaléidoscopique à la tradition des derviches

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Le Caire (AFP) – Dans un théâtre de pierre vieux de 500 ans dans la capitale égyptienne, deux jeunes derviches tournent sans arrêt. Lentement, puis d’un coup, ils s’usent dans un tourbillon d’étoffes lumineuses.

Issu d’une lignée de derviches tourneurs, Mohamed Adel, 20 ans, est très fier de l’interprétation typiquement égyptienne du rituel séculaire connu familièrement sous le nom de « tanoura », ou jupe en arabe.

« Je choisis les couleurs et les formes qui sont cousues dans les jupes », a déclaré Adel, montrant les plis de sa jupe violette avec des appliqués verts et jaunes quelques instants avant de monter sur scène pour se produire lors d’un festival d’art populaire.

Le spectacle kaléidoscopique est un monde loin des derviches tourneurs de Turquie, classés au patrimoine mondial de l’UNESCO, dont les origines remontent aux enseignements du poète soufi et mystique Jalal al-Din Rumi.

Distinguées par leurs robes blanches, leurs chapeaux en laine de chameau et leur allégeance au spiritisme ascétique soufi, les cérémonies en Turquie n’ont qu’une ressemblance éphémère avec les performances psychédéliques populaires en Égypte.

Bien que la version égyptienne de l'art soit devenue une occasion festive, la plupart des pratiquants s'en tiennent aux racines du rituel dans la tradition mystique de l'ordre musulman Mevlevi, fondé au XIIIe siècle par Rumi à Konya, en Turquie actuelle.
Bien que la version égyptienne de l’art soit devenue une occasion festive, la plupart des pratiquants s’en tiennent aux racines du rituel dans la tradition mystique de l’ordre musulman Mevlevi, fondé au XIIIe siècle par Rumi à Konya, en Turquie actuelle. Khaled DESOUKIAFP

Les soufis en Égypte, qui sont plus de 15 millions, avec près de 80 ordres différents, ont adopté le rituel, ajoutant progressivement des couleurs et des rythmes, transformant la pratique spirituelle en un art populaire à part entière.

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‘Fuite’

C’est la même chose à chaque fois : Adel tourne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Alors que ses jupes fleurissent, elle lève son bras droit vers le ciel, pour recevoir la bénédiction divine, et étend son bras gauche vers le sol, délivrant la bénédiction au public.

Puis ça accélère le rythme.

Aujourd'hui, la tanoura est un incontournable du tourisme égyptien, certains danseurs, en particulier dans les hôtels et les lieux de divertissement, attachant des lumières à leurs jupes pour un facteur de surprise supplémentaire, pour le plus grand plaisir des touristes et des spectateurs.
Aujourd’hui, la tanoura est un incontournable du tourisme égyptien, certains danseurs, en particulier dans les hôtels et les lieux de divertissement, attachant des lumières à leurs jupes pour un facteur de surprise supplémentaire, pour le plus grand plaisir des touristes et des spectateurs. Khaled DESOUKIAFP

Ses pas s’accélèrent et elle dénoue les cordes qui maintiennent ses différentes jupes ensemble, en soulevant une au-dessus de sa tête.

La tanoura supérieure représente le ciel, celle sous terre.

Alors qu’il fait tourner le premier au-dessus de sa tête tandis que l’autre forme un disque ondulé autour de sa taille, il raconte l’histoire de la genèse et comment le ciel et la terre ont été séparés.

Cette interprétation n’est pas une mince affaire, chaque jupe pesant près de 10 kilogrammes. Si Adel dévie de son axe ou perd le rythme de ses pieds, il peut tomber et les laisser tomber.

« Au début, bien sûr, j’avais le vertige et parfois je tombais même », raconte-t-il à l’AFP. « Mais en m’entraînant tous les jours, sur scène ou chez moi, je m’évade ailleurs avec la musique. »

Les soufis d'Egypte, au nombre de plus de 15 millions, avec près de 80 ordres différents, ont adopté le rituel, ajoutant progressivement des couleurs et des rythmes, transformant la pratique spirituelle en un art populaire à part entière.
Les soufis d’Egypte, au nombre de plus de 15 millions, avec près de 80 ordres différents, ont adopté le rituel, ajoutant progressivement des couleurs et des rythmes, transformant la pratique spirituelle en un art populaire à part entière. Khaled DESOUKIAFP

Au son des chants soufis, des rythmes des percussions ou des mélodies troublantes de la flûte traditionnelle ou rababa – un instrument à cordes semblable à un luth – les révolutions des derviches pour les arts populaires de la Giza Company semblent aussi imparables que les planètes.

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‘Comment voler’

Côte à côte, mais sans jamais que leurs jupes se touchent, elles effectuent des cascades en tournoyant.

Ils jettent leurs jupes sur leurs têtes, les prennent dans les airs, plient et déplient la bannière de leur ordre soufi, leurs spirales ne cessent jamais.

Pour Ali Morsi, 25 ans, c’est une œuvre inspirée par « l’amour de Dieu et du prophète Mahomet ».

Bien que la version égyptienne de l’art soit devenue une occasion festive, la plupart des pratiquants s’en tiennent aux racines du rituel dans la tradition mystique de l’ordre musulman Mevlevi, fondé au XIIIe siècle par Rumi à Konya, en Turquie actuelle.

Les derviches exécutent des cascades pendant qu'ils tournent, jetant leurs jupes au-dessus de leurs têtes avant de les attraper en l'air, pliant et déployant la bannière de leur ordre soufi, leurs spirales ne cessent jamais
Les derviches exécutent des cascades pendant qu’ils tournent, jetant leurs jupes au-dessus de leurs têtes avant de les attraper en l’air, pliant et déployant la bannière de leur ordre soufi, leurs spirales ne cessent jamais Khaled DESOUKIAFP

Aujourd’hui, c’est un incontournable du tourisme égyptien, avec certains danseurs, en particulier dans les hôtels et les lieux de divertissement, attachant des lumières à leurs jupes pour un facteur de surprise supplémentaire, pour le plus grand plaisir des touristes et des spectateurs.

À la fois spectacle et rituel, la tanoura est indispensable pour des artistes comme Adel et Morsi, qui ne peuvent imaginer vivre autrement.

« C’est comme si je volais, je ne sens plus mon corps, je ne suis plus sur terre », a déclaré Morsi, qui est derviche depuis 11 ans.

« Je ne pense qu’à Dieu et à rien d’autre. »

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