Posté le déc. 2020 à 19h16Mis à jour le 19 décembre. 2020 à 8h52
Tremblement de terre à Tereos, le géant français du sucre et de la betterave. Après trois ans de véritable western, les rebelles ont pris le contrôle du groupe coopératif. Gérard Clay a été élu président du conseil de surveillance vendredi soir, tandis que Alexis Duval , petit-fils du fondateur Jean Duval et fils de Philippe Duval (son prédécesseur à la présidence du conseil), a été évincé. Remplacé par Philippe de Raynal, ancien PDG d’une très grande coopérative céréalière (Axereal).
« Satisfait », Xavier Laude, agriculteur près de Cambrai et membre du conseil rebelle, a déclaré vendredi soir que la « reconstruction » « fera partie de ce que nous devons faire. Il y a toute la partie économique qui nous inquiète, mais aussi la la partie relationnelle, la gouvernance. Il va falloir remonter les pièces », comprend-il.
Longue guerre civile
Au centre de la discorde et de la chute d’Alexis Duval, la politique d’acquisitions menée ces dernières années, celle qui a amené le groupe qui avait absorbé Beghin-Say au début du siècle à la deuxième étape du classement mondial des sociétés sucrières. D’un autre côté, la dette s’est gonflée au point que les producteurs de betteraves à sucre sont préoccupés par le fait que les prix du sucre ont chuté en parallèle. L’angoisse de la plupart des 12 000 betteraviers et associés a fini par susciter l’hostilité et une longue guerre civile avec la direction d’Alexis Duval.
Ces derniers jours, les représentants des travailleurs ont craint le grondement d’un changement radical de gouvernance, alors que le secteur doit digérer les betteraves jaunes qui pèsent sur les rendements, les plus bas depuis trente ans. «A la tête du groupe, on peut mettre Pierre, Paul, Jacques, ce n’est pas notre première préoccupation. Nous nous soucions des salariés, des usines et du groupe, explique Lionel Cavennes, délégué CGT. La politique du groupe, nous le savions, avait été tracée. Nous avons là un nouveau conseil de surveillance, un nouveau président du conseil d’administration. Tout est nouveau et nous nous dirigeons vers l’inconnu ».
Le poids du juge
Vendredi est une décision judiciaire favorable qui a permis le séisme. Gérard Clay, Xavier Laude et Jérôme Hary, en effet, « ont pu participer pleinement à la séance du Conseil, conformément à l’ordonnance provisoire du président du tribunal judiciaire de Senlis du 18 décembre 2020 », précise le communiqué envoyé par le groupe Vendredi soir en soirée. Et donc, prenez les choses en main, l’équilibre des pouvoirs au conseil est en leur faveur.
La Cour de Senlis, signalé par les désormais anciens dirigeants de Tereos, elle avait refusé quelques heures auparavant de suspendre les trois producteurs de betteraves de leur mandat de conseil. Tous trois avaient été condamnés le 26 novembre par le tribunal correctionnel de Paris pour « dénonciation calomnieuse » des dirigeants du groupe accusés de commerce avec Daech et « d’avoir gravement porté atteinte aux intérêts du groupe ». Un motif de démission obligatoire et immédiat selon les termes de la charte de gouvernance et de la charte des élus de Tereos.
Le juge du tribunal n’a pas accordé de suspension car Gérard Clay, Xavier Laude et Jérôme Hary n’avaient pas de mandat au sein de la coopérative lorsqu’ils ont porté plainte au pénal contre leurs dirigeants pour vente de sorbitol à Daech (s’il est mélangé, le sorbitol peut être utilisé pour produire des explosifs). En tant que simples coopérateurs, ils n’avaient pas les obligations de démission qui s’appliquent aux élus, a déclaré le juge, ajoutant que « les principes de coopération invoqués par le requérant (l’avocat de Tereos) ne constituent pas une norme juridique obligatoire ».
Bien que le pouvoir ait changé à la suite du verdict et que la nouvelle direction n’ait aucun intérêt à le faire, Tereos dispose de deux semaines pour faire appel de la décision, ce qui pourrait annuler le vote du conseil de surveillance.